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Interposition d’une société étrangère : pour qui sonne le glas ?

(CE 28 janvier 2022, n° 433965)

On sait que l’interposition par un contribuable français d’une société étrangère pour détenir un actif financier est particulièrement mal vue du fisc français lorsque la société étrangère bénéficie d’un régime fiscal plus favorable que si elle était établie en France. L’angle d’attaque classique pour l’administration est de contester la substance de la société étrangère soit pour demander l’application de l’article 123 bis du CGI, soit pour contester l’opposabilité de la structure même sur le terrain de l’abus de droit.

C’est dans le cadre de cette seconde branche de l’alternative que l’administration s’est placée pour taxer personnellement un contribuable français sur la plus-value réalisée par une société belge à laquelle il avait cédé des titres d’une société française qui lui avaient été attribués dans le cadre d’un management package.

Le Conseil d’Etat a validé le caractère artificiel de la société étrangère pour les motifs suivants : elle n’avait pas payé ses titres (existence d’un crédit-vendeur), elle ne disposait d’aucun local, moyens ni personnel et elle n’avait d’autres actifs que les titres en question sur lesquels elle n’avait aucune autonomie de gestion compte tenu de l’existence d’un pacte d’actionnaires. En filigrane il était constaté que la société étrangère avait bénéficié d’une exonération d’impôt sur la plus-value alors qu’une société française aurait subi l’impôt au taux normal. Enfin, la circonstance que le contribuable ait transmis la nue-propriété de ses titres à ses enfants n’a pas trouvé grâce aux yeux du Conseil d’Etat.

Cette décision constitue en apparence un net recul par rapport aux décisions précédentes, en particulier l’arrêt Natixis du 11 mai 2015 (n° 365564) où le Conseil d’Etat a estimé que la substance d’une société holding ne pouvait pas s’apprécier en fonction de simples considérations matérielles (existence de locaux, moyens et personnel) mais devait intégrer les considérations juridiques ayant présidé à sa constitution. Or, le fait d’avoir transmis la nue-propriété des titres de la société étrangère paraissait pourtant bien cocher la case de la substance juridique de la société.

Toutefois, on ne peut pas comprendre cette décision – et sa sévérité – si on la détache du contexte de l’opération dans laquelle elle s’insère : le LBO Wendel/Editis. Le contribuable concerné était en effet l’un des cadres qui s’est vu octroyer un management package comprenant des titres de la société de reprise qu’il a pensé astucieux de loger dans une structure étrangère afin de défiscaliser la plus-value future de sortie.

C’est fondamentalement cela que lui reprochait l’administration et que le juge a validé. D’ailleurs, en écartant l’existence de cette société, le Conseil d’Etat a validé l’imposition de la plus-value selon les règles des traitements et salaires sur le fondement de sa jurisprudence du 13 juillet 2021 (plén., n° 428506, 437498 et 435452).

Si le contribuable a pu croire qu’il lui suffisait de transmettre la nue-propriété de ses titres à ses enfants pour conférer à la société étrangère une substance suffisante, il en a été pour ses frais. A notre avis, il lui aurait fallu donner à sa société une substance autrement plus solide, allant même jusqu’à une substance économique (locaux, moyens, personnel) pour espérer éviter le redressement, et encore… Mais vus les montants en jeu, ce n’était tout simplement pas possible.

Sur le terrain des management packages, cette décision est assurément un arrêt de confirmation. Sur celui de la substance des sociétés étrangères, il nous semble plutôt être un arrêt d’espèce.