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Ne fait pas du « Metro Holding » qui veut.

Le maniement de la jurisprudence « Metro Holding » nécessite de bien articuler ses moyens de droit européen et de droit constitutionnel. A défaut et comme l’illustre l’arrêt commenté, c’est l’échec assuré.

A l’occasion du contentieux sur l’application des abattements pour durée de détention aux plus-values en report d’imposition, nous avons appris à nos dépens qu’invoquer une discrimination par ricocher sur le fondement de la décision du Conseil Constitutionnel « Metro Holding » (3 février 2016, n° 2015-520 QPC) lorsque le droit européen traite plus favorablement le contribuable en bénéficiant que celui dont l’opération n’est soumis qu’au droit interne français n’est pas chose aisée : nous avons dû nous y reprendre pour obtenir que le Conseil d’Etat saisisse enfin la CJUE d’une Question Préjudicielle (https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2018/10/04/plus-value-en-report-dimposition-une-lueur-despoir-pour-les-contribuables/).

Une récente décision du Conseil d’Etat rendue le 26 décembre 2018 (n° 422664) nous donne l’occasion de revenir sur cette question.

En l’espèce, un contribuable avait apporté des titres d’une société qui satisfaisait aux conditions de l’abattement renforcé de 85 % (PME, souscription ou acquisition des titres d’une société de moins de 10 ans) lors de son apport, qui avait bénéficié à l’époque d’un sursis d’imposition (article 150-0B du CGI). Il avait ultérieurement cédé les titres de la holding reçus en rémunération mais n’avait pas pu bénéficier de l’abattement majoré parce que la société cédée n’en respectait pas les conditions. Il s’agissait manifestement d’une holding animatrice qui soit n’était pas une PME, soit détenait une participation dans une filiale qui n’était pas une PME.

Le contribuable a donc saisi le Conseil d’Etat d’un Recours Pour Excès de Pouvoir contre l’instruction BOI-RPPM-PVBMI-20-30-10 assorti d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité dans laquelle il soutenait que la condition posée par le B du 1 quater de l’article 150-0D du CGI exigeant que lorsque la holding est animatrice, les conditions tenant au respect des seuils de PME s’appliquent tant au niveau de la holding que de toutes ses filiales, était contraire aux principes d’égalité. Il soutenait également que ces dispositions étaient contraires aux objectifs de la Directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 (Directive « Fusions »).

Le Conseil lui donne tort en lui rappelant tout d’abord qu’il n’était pas recevable à critiquer la transposition de la Directive dans une situation qui relevait du pur droit interne, puisque tant la société dont les titres avaient été apportés que celle dont les titres avaient été émis en rémunération de l’apport étaient françaises. Il s’agit d’une application classique de la jurisprudence « Ambulances de France » (CE 30 janvier 2013, n° 346683).

Il rejette ensuite sa demande de QPC au motif que le législateur pouvait parfaitement, afin de favoriser l’investissement dans les PME, décider de soumettre l’application de l’abattement renforcé aux conditions restrictives qu’il a énoncées.

Formulé ainsi, le recours n’avait effectivement aucune chance de prospérer. Ce qu’aurait dû critiquer le contribuable, c’est le fait que la loi française, en soumettant la plus-value de cession des titres reçus en rémunération d’un apport à un régime différent de celui qui aurait été appliqué aux titres apportés s’ils ne l’avaient pas été, n’était pas conforme à l’article 8 paragraphe 6 de la Directive « Fusions », comme nous l’avons soutenu dans nos dossiers concernant l’application des abattements pour durée de détention aux plus-values en report (https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2018/10/20/transmission-de-notre-qpc-et-de-notre-question-prejudicielle-perspectives-en-cas-de-succes/).

Son argumentaire aurait dû être complété par une QPC fondé sur le principe d’agilité devant la loi critiquant non pas la différence de traitement entre les titres de PME et les autres, mais entre titres échangés dans le cadre d’une opération entrant dans le champ de la Directive « Fusions » et les autres.

Formulée ainsi, sa requête aurait très probablement conduit le Conseil d’Etat à rejeter sa QPC tout en saisissant la CJUE d’une Question Préjudicielle pour savoir si l’article 8 paragraphe 6 de la Directive « Fusions » autorisait la France à soumettre la cession des titres reçus lors d’un échange à un régime fiscal différent que celui qui aurait été appliqué aux titres échangés si l’apport n’était pas intervenu.

Nous sommes confrontés à la même difficulté que le contribuable auteur du recours mais sur un terrain légèrement différent car nos clients ont apporté les titres de leur PME constituée depuis moins de 10 ans à une holding qui n’était pas animatrice. Ce qui est en jeu, ce n’est donc pas le fait que la holding anime ou non toutes ses filiales ni que ces dernières soient toutes des PME, mais le fait que la holding étant passive, elle est exclue de l’abattement renforcé par le f) du 1 quater de l’article 150-0D.

Nous avons saisi le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise d’une QPC critiquant cette restriction comme étant contraire à l’article 8 paragraphe 6, ce qui constitue une discrimination par ricochet au détriment des contribuables ayant procédé à des apports hors du champ de la Directive par rapport à ceux en bénéficiant, et donc une rupture de l’égalité devant les charges publiques contraire à l’article 13 de la DDHC de 1789 ainsi que nous le soutenons dans une QPC distincte.

Si le tribunal est sensible à notre argumentaire, il lui faudra faire œuvre créatrice car ce cas de figure – la question est posée au juge du fond et non au juge du filtre, comme dans les affaires Jacob, Lassus et dans nos dossiers de plus-values en report – n’a pas encore été réglée par la jurisprudence. A notre humble avis, il dispose de l’alternative suivante : soit il transmet la QPC au Conseil d’Etat qui la rejettera en demandant au Tribunal de saisir la CJUE de la Question Préjudicielle que nous lui posons, soit il rejette lui-même notre QPC et il transmet directement notre Question Préjudicielle à la CJUE

Décidément, le mode d’emploi de la jurisprudence « Metro Holding » est tout sauf simple !