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Réduction de capital et abus de droit : le fisc est mauvais perdant

 (CADF, 14 janvier 2021, aff. n° 2020-24 et 2020-29)

On se souvient qu’il y a quelques années, nous avions recommandé la technique de la réduction de capital non motivée par des pertes plutôt que la distribution de dividendes à la suite du changement de son régime fiscal du fait d’une décision du Conseil Constitutionnel (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2015/05/la-reduction-de-capital-entre-mythe-et-realite-partie-i/). Nous consacrions également quelques développements aux risques d’abus de droit lorsque l’opération était réalisée dans des sociétés unipersonnelles ou n’avaient pas d’effet dilutif car concernant à égalité l’ensemble des associés. Nous concluions toutefois que si l’opération restait exceptionnelle, le risque nous semblait inexistant. (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2015/05/la-reduction-de-capital-entre-mythe-et-realite-partie-ii/).

Manifestement, les contribuables se sont engouffrés dans la brèche ainsi ouverte, de sorte que l’administration a été amenée à contrôler les opérations réalisées. Comme attendu, ce sont les opérations sans effet dilutif qui ont retenu son attention et qu’elle a remis en cause sur le fondement de l’abus de droit.

Fort heureusement, la digue du Comité de l’Abus de Droit Fiscal a tenu et le Comité a estimé que les opérations qui lui étaient déférées n’étaient pas abusives car procédant du droit qu’a tout contribuable de choisir la voie la moins imposée pour parvenir à un objectif intrinsèquement légitime, à savoir l’appréhension des réserves d’une société dont cette dernière n’a plus l’utilité. Néanmoins, le CADF a émis deux réserves : l’opération doit rester ponctuelle et ne doit pas elle-même s’inscrire dans un montage artificiel.

Sur le premier point, nous sommes en harmonie totale avec le Comité. Par définition, l’opération consistant à réduire le capital ne peut pas se renouveler, sauf circonstance nouvelle comme par exemple l’arrivée d’un bénéfice exceptionnel provenant de la cession d’un actif important comme un immeuble ou une branche d’activité. Un contribuable qui procèderait chaque année à une telle opération pour appréhender le bénéfice ordinaire de sa société sera it à bon droit sanctionné.

Sur le second point, on peut penser que le Comité a entendu réserver le cas des schémas véritablement artificiels. On pourrait ainsi par exemple considérer que relèverait de cette catégorie l’opération par laquelle un contribuable commencerait par capitaliser les réserves de sa société, puis tout de suite après en réduirait le capital mais faute de trésorerie suffisante, inscrirait sa créance en compte courant puis cesserait de se faire rémunérer pour ses fonctions dans la société mais vivrait sur le remboursement de son compte courant. Bref, un cas d’optimisation particulièrement caricatural !

Nonobstant les avis pourtant très bien motivés du CADF, l’administration a pourtant décidé de ne pas s’y conformer et donc de poursuivre le contentieux. Nous lui souhaitons bonne chance car nous serions très étonnés que le juge de l’impôt lui donne gain de cause.