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Régime « Dutreil » et immobilier : la jurisprudence est moins stricte que l’administration
(CA Paris 24 octobre 2022, n° 21/00555)
On sait que pour que la transmission à titre gratuit des titres d’une société holding animatrice de groupe (« HAG ») puisse bénéficier de l’abattement de 75 % sur l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, son actif doit être majoritairement composé de biens affectés à son activité d’animation.Se prononçant sur renvoi après cassation par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 octobre 2020 (n° 18-17.955 FS-PB), la Cour d’Appel de Paris s’est livrée à une nouvelle analyse de la situation du contribuable qui, si elle ne réjouira guère ce dernier puisque son imposition est rétablie, contient des éléments très intéressants pour les praticiens.
La Cour juge en effet que ce ne sont pas seulement les titres des filiales animées qui sont à prendre en compte au numérateur du ratio « Dutreil » de la HAG, mais également les autres actifs affectés à son activité de HAG. En l’espèce, elle accepte de considérer comme éligible un ensemble immobilier qui était loué à l’une des filiales animées. Ce faisant, elle fait litière de la position de l’administration qui considère que seul l’immobilier appartenant aux filiales animées qu’elles utilisent pour leurs activités éligibles peut être pris en compte à travers l’éligibilité des titres des filiales animées.
Malgré les critiques qui lui ont été à plusieurs reprises adressées par les praticiens (en dernier lieu, lors de la conférence organisée par l’IACF le 31 mars 2022 sur les nouveaux commentaires administratifs du régime « Dutreil »), l’administration persiste notamment à considérer qu’une filiale immobilière de la HAG qui donne ses biens en location aux filiales animées reste un bien patrimonial qui ne saurait figurer au numérateur du ratio « Dutreil » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 décembre 2021).
Comme il n’y a aucune raison de traiter différemment l’immobilier possédé en direct par la HAG de celui détenu par l’intermédiaire d’une société, cette position restrictive est fragilisée par cette décision, dans l’attente de sa condamnation par la Cour de cassation qui ne manquera pas de se prononcer prochainement sur ce sujet.
L’arrêt introduit en creux d’autres tolérances pour les placements financiers. Si le contribuable peut démontrer que ces derniers sont affectés à l’activité des filiales animées (comme par exemple un compte courant détenu dedans), alors ils peuvent figurer au numérateur du ratio « Dutreil ».Encore plus intéressant : si les placements financiers ont été donnés en garantie pour permettre aux filiales ou à la HAG de se financer ou s’ils ont permis à la HAG de financer des projets d’investissement, alors ils revêtent à due concurrence un caractère professionnel qui permet au contribuable de les faire figurer au numérateur du ratio « Dutreil ».
La jurisprudence est progressivement en train de brosser un tableau de l’actif éligible au régime « Dutreil » bien différent de celui dessiné par le fisc dans ses instructions. On ne peut que s’en réjouir, tant que l’administration l’accepte. Car lorsqu’elle estime que les bornes sont dépassées, elle n’hésite pas faire sa mauvaise joueuse en dégainant une mesure fiscale rétroactive, comme on l’a vu faire cet été (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2022/07/appreciation-de-lexercice-dune-activite-principalement-professionnelle-et-regime-dutreil-pour-qui-sonne-le-glas/).