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Imputation des moins-values de cession de valeurs mobilières sur les gains futurs : le piège des prélèvements sociaux.
Les contribuables qui réalisent des moins-values à l’occasion de cessions de droits sociaux doivent les imputer uniquement sur les plus-values constatées à l’occasion d’autres cessions. Ainsi, lorsque la somme des plus et moins-values réalisées sur une année civile fait apparaître un solde négatif, cette perte globale n’est en aucun cas déductible des autres revenus imposables.
Les contribuables appauvris par des investissements malheureux pouvaient toutefois encore trouver une relative consolation dans la faculté qui leur était laissée d’imputer ces pertes sur les éventuels gains constatés au cours des dix années suivantes. Les dix dernières années ayant vu une crise financière majeure, nombreux sont les contribuables qui disposent actuellement d’un important stock de pertes en report qui devait leur permettre de réaliser autant de gains en franchise d’impôt.
Cette faculté est toutefois gravement remise en cause par les modalités pratiques mises en place par l'administration dans le cadre du régime d’abattements pour durée de détention qui est applicable aux cessions de droits sociaux réalisées depuis 2013.
On rappelle que ces abattements pour durée de détention constituent originellement une faveur du législateur destinée à favoriser la détention à long terme et à atténuer les effets de la soumission des plus-values imposables au barème progressif de l’impôt sur le revenu au taux marginal de 45 %, en lieu et place de l’imposition forfaitaire au taux de 24 % qui s’appliquait encore en 2012.
Une plus-value générée par la cession de titres détenus depuis plus de 8 ans bénéficie ainsi en principe d’un abattement de 65 % et n’est donc soumise à l’impôt sur le revenu qu’à hauteur de 35 % de son montant.
Cela n’est toutefois pas applicable à l’imposition additionnelle que constituent les contributions sociales au taux global de 15,5 % : elles sont calculées sur l’intégralité de la plus-value réalisée, en application de l’article L. 136-6 du Code de la Sécurité Sociale qui prévoit en substance qu’il ne doit pas être fait application des abattements pour durée de détention pour la détermination de l’assiette de cette imposition.
Or, une curieuse mise en œuvre de cette disposition par l’administration fiscale aboutit à un assujettissement aux contributions sociales (et donc à une taxation au taux de 15,5 %) du montant de l’abattement pratiqué en matière d’impôt sur le revenu, sans aucune possibilité d’imputer les pertes antérieures sur celui-ci.
A défaut de la publication, à ce jour, d’une instruction officielle qui viendrait confirmer et tenter de justifier cette position, cette situation résulte uniquement, mais inévitablement, des modalités de report adoptées par l’administration fiscale dans ses formulaires déclaratifs.
La méthode retenue par l’administration consiste en effet :
- dans un premier temps, à déterminer une base imposable à l’impôt sur le revenu en appliquant l’abattement pour durée de détention et en imputant ensuite sur la plus-value nette les pertes en report dont dispose le contribuable ;
- dans un second temps, à déterminer l’assiette des contributions sociales en réintégrant à la première base le montant des abattements pratiqués.
Prenons l’exemple d’un contribuable qui disposait d’une perte en report de 100 000 euros réalisée en 2008 et qui réalise aujourd’hui une plus-value de 40 000 euros en cédant des droits sociaux.
Si ses droits sont cédés avec une durée de détention trop faible pour ouvrir droit à un abattement, ce contribuable imputera directement sa perte en report sur la plus-value de 40 000 euros. La perte en report étant supérieure, la base imposable est de zéro pour le calcul de l’impôt sur le revenu. La base de calcul des contributions sociales est identique en l’absence d’abattement à réintégrer. Aucune imposition ne sera donc due. Il restera par ailleurs au contribuable un solde de pertes 2008 d’un montant de 60 000 euros à utiliser jusqu’en 2018.
Si au contraire, la durée de détention des titres cédés ouvre droit à un abattement de 65 %, la plus-value nette s’élèvera alors à 14 000 euros (40 000 euros diminués d’un abattement de 26 000 euros). Pour l’impôt sur le revenu, la base de calcul sera toujours de zéro puisque cette plus-value de 14 000 euros pourra être entièrement absorbée par la perte de 2008. En revanche, pour les prélèvements sociaux, l’administration considèrera que l’abattement de 26 000 euros devra être « réintégré » à la base de calcul, et donc in fine soumis à ces contributions au taux de 15,5 % sans qu’aucun mécanisme n’ait été prévu pour imputer l’excédent de pertes en report non utilisées.
L’abattement pour durée de détention, qui se veut un dispositif de faveur destiné à récompenser le portage de long terme, vient donc ici au contraire sanctionner le contribuable, puisque celui-ci se voit réclamer une imposition dont il n’aurait pas été redevable en l’absence d’abattement. Un bel exemple d'hétérotélie !
Or, les contributions sociales qui sont dues sur le montant de l’abattement résultent d’une logique de « réintégration » qui n’est absolument pas dictée par le texte légal, celui-ci devant plus naturellement conduire à un double suivi des pertes en report (celles imputables pour le calcul des prélèvements sociaux et celles imputables pour le calcul de l'impôt sur le revenu), double suivi dont l’administration fiscale a estimé pouvoir se dispenser.
C'est dans ce contexte que notre cabinet propose aux contribuables disposant d’un stock de pertes en report de contester les prélèvements sociaux résultant de l’application erronée des textes par l’administration.