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Article 244 bis B du CGI et liberté de circulation des capitaux : Revirement de jurisprudence

(CE 21 décembre 2022, 9ème et 10ème chambres, n° 447568, société Runa Capital Fund I LP)

On se souvient que par une décision du 14 octobre 2020 (n° 421524, Sté AVM International) commentée ici : https://blog.bornhauser-avocats.fr/2020/11/lourdes-menaces-sur-larticle-244-bis-b-du-cgi/, le Conseil d’Etat avait jugé que l’incompatibilité de l’article 244 bis B avec les libertés communautaires ne permettait pas à l’administration de maintenir par voie doctrinale une taxation qui serait respectueuse de ces libertés – à savoir l’imposition de la société étrangère sur la seule QPFC, comme le serait une société française -, de sorte que l’imposition devait être annulée en totalité.

En l’espèce, la liberté concernée était la liberté d’établissement réservée aux sociétés européennes mais au même moment, la Cour Administrative d’Appel de Versailles (20 octobre 2020, n° 18VE03012) jugeait, dans une affaire Runa Capital Fund I LP, que la décharge totale devait être accordée lorsque la liberté communautaire concernée était celle relative à la circulation des capitaux applicable aux Etats-tiers.

L’administration s’étant pourvue en cassation contre l’arrêt de la Cour de Versailles, nous espérions avoir confirmation de la solution rendue, d’autant plus que la question posée n’avait, sur l’étendue du dégrèvement accordé, qu’un intérêt historique puisque le législateur était entretemps venu combler le « trou dans la raquette » existant à l’époque (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2021/07/larticle-244-bis-b-du-cgi-mis-en-conformite-avec-le-droit-communautaire/).

Malheureusement, les 9ème et 10ème chambres du Conseil d’Etat ont fait volte-face et validé la limitation du dégrèvement à la fiscalité à laquelle aurait été soumise la société étrangère si elle avait été résidente en France, à savoir l’impôt sur un quote-part de 12 %.

La bonne nouvelle est la confirmation de la décision d’appel dans toutes ses autres dispositions. La liberté de circulation des capitaux est donc bien applicable à l’article 244 bis B du CGI, la clause de gel n’étant pas applicable puisque la loi rendant le régime applicable aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés n’est entrée en vigueur que le 2 janvier 1993.

Comme le disait Jérôme Turot dans une fameuse chronique à la RJF sur la TVA sur les frais de représentation : « on ne peut pas recongeler un produit déjà décongelé ».