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Censure du Gouvernement : Et Après ?
En septembre, nous avions déjà envisagé ce qui est en train d’arriver, à savoir que les lois budgétaires (État et Sécurité Sociale) ne seraient pas adoptées : https://blog.bornhauser-avocats.fr
Ce qui passait alors pour un scénario peu crédible vient de se préciser avec la censure du Gouvernement. Que va-t-il donc se passer maintenant ? Dans son allocution télévisée, le Président Macron a annoncé le dépôt de la loi spéciale prévue par le 4ème alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution, loi ne comportant qu’un seul article destiné à permettre à l’Etat de percevoir les impôts et cotisations sociales sur la base de l’état du droit existant, c’est-à-dire les textes votés par le Parlement. Cela signifie en pratique notamment que le barème de l’impôt sur le revenu restera celui de la loi de finances pour 2024 et donc que les recettes de l’Etat augmenteront mécaniquement.
Diverses voix suggèrent d’ajouter un article à cette loi pour permettre l’indexation du barème. Même si les textes applicables en la matière sont muets, cet ajout ne paraît pas conforme à l’intention des rédacteurs de la Constitution, pour qui cette possibilité ne visait qu’à pallier l’absence de loi de finances au 31 décembre afin de permettre d’assurer l’encaissement des impôts et taxes et donc d’éviter un shutdown à l’américaine, sachant que le débat budgétaire se poursuivait et donc que les textes budgétaires finiraient par être votés. C’est d’ailleurs exactement ce qu’il s’est passé la seule fois où une telle loi a été voté (en 1980).
Si cette solution est choisie et cette loi votée, cela signifiera que le gouvernement, parce qu’il est démissionnaire, aura renoncé à utiliser l’autre voie possible, celle prévue par le 3ème alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution qui consiste à promulguer les budgets par ordonnance (solution que nous avions anticipée). Il est vrai que la question des pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire car renversé par une motion de censure était controversée et que l’issue des recours que les contribuables n’allaient pas manquer d’exercer contre les hausses d’impôt s’avérait d’autant plus incertaine.
Le choix de la solution « 4ème alinéa » signifie également que le Gouvernement ne désespère pas de réussir à faire voter ses textes budgétaires en début d’année prochaine. Mais que pourront-ils donc contenir ? Des baisses d’impôt, comme l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, ne devraient soulever aucune difficulté. Mais quid des hausses, comme celle de la flat tax sur les revenus mobiliers ou l’instauration de la contribution différentielle sur les hauts revenus ?
Le 31 décembre étant passé, une hausse des impôts ne pourra plus se revendiquer de la rétrospectivité de la loi fiscale, autrement dénommée « petite rétroactivité », ce principe qui veut que le taux des impôts de l’année ne soit fixé qu’à la fin de celle-ci. Les hausses d’impôt seront donc pleinement rétroactives. Or, s’il ne l’interdit pas, le Conseil Constitutionnel encadre, sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (la fameuse « garantie des droits »), la rétroactivité de la loi fiscale à l’existence d’un « motif impérieux d’intérêt général » (v. par ex. Cons. Const. 14 février 2014, n° 2013-366 QPC).
Le contexte politique actuel sera-t-il considéré par le Conseil Constitutionnel comme un motif suffisant pour justifier la pleine rétroactivité des textes budgétaires, y compris les hausses d’impôt ? En l’état de la jurisprudence (v. par ex. Cons. Const. 5 décembre 2014, n° 2014-435 QPC), la réponse devrait être négative, puisqu’un motif strictement budgétaire n’est pas supposé être suffisant. Mais le contexte actuel est tellement extraordinaire qu’il faut s’attendre à tout, y compris à des revirements de jurisprudence. Ceux qui se versent en ce moment des dividendes pour profiter du taux actuel de la flat tax – et ils sont nombreux – seraient bien avisés de ne pas sabler le Champagne trop vite