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Comptes étrangers non déclarés et présomption d’acquisition à titre gratuit : le salut viendra-t-il de l’Europe ?

(CJUE 27 janvier 2021, n° C-788/19)

On sait que tout manquement à ses obligations de déclarer ses comptes ouverts, détenus ou clos à l’étranger expose le contribuable défaillant à une batterie d’amendes et de taxations, la pire étant sans doute celle prévue par l’article 755 du CGI qui répute les actifs non déclarés comme acquis à titre gratuit d’un tiers (donc taxée à 60 %) lorsque l’intéressé ne peut pas en justifier l’origine.

On se souvient que par une décision du 15 octobre 2021, le Conseil Constitutionnel a estimé qu’en cette imposition était constitutionnelle, écartant notamment le grief tenant à l’imprescribilité des droits (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2021/10/taxation-de-larticle-755-du-cgi-pour-le-conseil-constitutionnel-la-fraude-fiscale-justifie-tous-les-moyens/).

Or, par un arrêt du 27 janvier 2021 (n° C-788/19), la CJUE a condamné pour manquement l’Espagne pour avoir mis en oeuvre un système similaire, quoi qu’ayant des différences non négligeables. En effet, le système espagnol assortissait la présomption d’imposition des actifs non déclarés comme des revenus de diverses amendes – une proportionnelle de 150 % et des amendes forfaitaires – qui pouvaient porter leur total à plus de 100 % des sommes non déclarées.

La CJUE commence par valider le principe d’imposition en revenus des actifs non déclarés, mais constate néanmoins que les contribuables ne peuvent en pratique pas bénéficier de la prescription.

Elle constate également que les sanctions prévues sont beaucoup plus sévères que celles affectant les contribuables qui n’auraient pas déclaré des actifs identiques situés en Espagne. Elle balaye l’argument du gouvernement espagnol qui soutenait que la situation était différente puisque les actifs étaient situés à l’étranger en lui rappelant qu’avec les échanges automatiques d’information, le fisc espagnol est en mesure de connaître aussi bien de l’existence d’actifs situés à l’étranger qu’en Espagne.

Elle en conclut qu’en mettant en oeuvre un tel système, l’Espagne a manqué à ses obligations au titre de la liberté de circulation des capitaux.

Il y a assurément des arguments intéressants à prendre dans cette décision pour tenter de faire échec au régime fiscal de l’article 755 du CGI. Le plus séduisant est assurément celui relatif à l’imprescribilité de la taxation, puisqu’il n’y a pas de limite pour l’administration à considérer que les actifs étrangers non déclarés sont concernés par cette présomption de taxation, alors même que pour ceux acquis depuis plus de 10 ans, la preuve contraire est quasiment impossible à rapporter.

On notera toutefois que le poids extrêmement lourd des amendes et pénalités applicables en Espagne a clairement joué en défaveur du système et qu’à cet égard, la France se situe notablement en deçà, sauf à considérer que la taxation de 60 % est elle-même une sanction, ce qui est loin d’être évident.

Reste que les sanctions applicables en France pour les comptes étrangers non déclarés sont sans commune mesure avec celles applicables aux même actifs situés en France et que cette situation peut par nature être considérée comme contraire à la liberté de circulation des capitaux.

A n’en pas douter, un nouvel argument à invoquer !