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Contentieux DAC6 : Le Conseil d’Etat rend une décision en demi-teinte

(CE 14 avril 2023, n° 448486)

On se souvient que par une décision du 8 décembre 2022 rendue sur une Question Préjudicielle posée via la Cour Constitutionnelle belge par les barreaux flamands, la CJUE avait annulé l’obligation mise à la charge des avocats belges d’informer les autres intermédiaires de l’existence d’un schéma entrant dans le champ de la Directive DAC6 (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2022/12/dac-6-et-secret-professionnel-des-avocats-une-grande-victoire-pour-letat-de-droit/).

Le Conseil d’Etat ayant également saisi la CJUE d’une Question Préjudicielle plus large que celle posée par la Cour belge, nous attendions avec impatience la position de la Cour sur les aspects non évoqués par sa décision de décembre. En effet, contrairement à la France, la Belgique avait considéré que le secret professionnel de ses avocats ne leur permettait pas de souscrire des déclarations « DAC6 » au nom et pour le compte de leurs clients et les avait spontanément exclus de cette obligation.

La France n’ayant pas procédé à cette exclusion, toute la question était de savoir si la protection du secret professionnel des avocats découlait des textes européens (articles 7 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE et 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme) ou n’avait qu’une protection de nature législative.

Malheureusement pour notre profession, le Conseil d’Etat a considéré que la décision de la CJUE le renseignait suffisamment et s’est désisté de sa demande de Question Préjudicielle. Et comme on pouvait s’y attendre, il a estimé que le secret professionnel de l’avocat au titre du conseil (et non de la défense) ne bénéficiait pas d’une protection particulière sur ce point dans les textes européens, de sorte que l’ordonnance de transposition pouvait y déroger.

On ne peut que regretter que ce débat n’ait pas été porté devant la CJUE, mais nous n’imaginons pas qu’il ne finisse pas par être examiné par l’une ou l’autre cour européenne.

Dans cette attente, nous pouvons néanmoins savourer cette décision, qui nous décharge de toute obligation de notification aux autres intermédiaires de l’existence d’un schéma de planification fiscale agressive entrant dans le champ de la Directive DAC6. Quant à notre client, si notre devoir de conseil nous impose de le prévenir, nous échappons à l’obligation d’utiliser pour cela un procédé conférant une date certaine à notre démarche.

Si la victoire n’est pas totale, le combat n’est heureusement pas encore fini.