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Contrôle des évadés fiscaux récalcitrants : attention aux délais de reprise en matière patrimoniale
Après la carotte de la Circulaire Cazeneuve et ses remises de majorations et amendes, le temps est venu du bâton des contrôles fiscaux sur la tête des évadés fiscaux. Bien aidée par les Échanges Automatiques d’Informations bancaires, l’administration fiscale française est maintenant occupée à traquer les mauvaises têtes qui ont cru pouvoir passer au travers des mailles du filet en ne régularisant pas leur situation.
Et les limiers du fisc disposent pour cela d’une prescription allongée. En effet, l’article L 181-0A du Livre des Procédures Fiscales (LPF), institué par la troisième loi de finances rectificative pour 2012, a aménagé le dispositif légal permettant à l’administration fiscale de lutter contre la fraude patrimoniale en alignant le régime de prescription des droits d’enregistrement et de l’ISF sur celui de l’impôt sur le revenu, à savoir un délai de reprise décennal.
Le délai de reprise de l’administration peut donc s’exercer jusqu’à la fin de la dixième année qui suit le fait générateur de l’impôt lorsque les conditions suivantes sont cumulativement remplies :
1) Les impôts ou droits sont assis sur :
a) des sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger et non déclarés (article 1649 A du Code Général des Impôts),
b) des versements faits à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger et non déclarés (article 1649 AA du CGI),
c) des biens, droits et produits capitalisés placés dans un trust et non déclarés (article 1649 AB du CGI)
2) Les obligations déclaratives comptes, assurance-vie et trust n’ont pas été respectées.
Dérogatoire au droit commun, ce texte est d’interprétation stricte. Dès lors, le droit de reprise sur 10 ans n’est possible en matière patrimoniale que lorsque les omissions d’impôts ou de droits sont relatifs à des avoirs détenus à l’étranger sur des comptes bancaires, des contrats d’assurance-vie ou dans des trusts.
A défaut, c’est donc la prescription de droit commun de six ans qui s’applique en matière d’IFI, d’ISF, de droits d’enregistrement (incluant les droits de succession), etc., lorsque les conditions requises de la prescription abrégée de trois ans prévue par l’article L 180 du LPF ne sont pas remplies. En cas d’omission d’un actif tangible dans une déclaration, seul le délai de prescription sexennale trouvera donc à s’appliquer.
Or, les évadés fiscaux ont souvent vidé puis clôturé leurs comptes bancaires étrangers non déclarés et investi les fonds récupérés dans des biens corporels, comme de l’immobilier, des tableaux, voire des métaux précieux. Parfois, ils sont décédés, laissant à leurs héritiers une situation inextricable que ces derniers aimeraient bien pouvoir régulariser avant de se faire rattraper par la patrouille.
Nous avons pour eux une bonne nouvelle : si les comptes bancaires non déclarés subissent une prescription décennale (l’année 2010 n’étant de surcroît prescrite que le 15 juin 2021 à cause du Coronavirus), les actifs tangibles, eux, bénéficient d’une prescription sexennale. Cela permet de rendre le coût d’une régularisation spontanée ou contrainte moins douloureux mais attention, il conviendra toujours de veiller à réunir un ensemble d’éléments suffisants sur l’origine de ces avoirs. En effet, une procédure de questionnement sur l’origine des avoirs déposés sur les comptes au titre des 10 dernières années existe avec au bout la possibilité pour l’administration de taxer à hauteur de 60 % la valeur la plus élevée.
Il serait dommage que l’application de cette procédure ne vienne gâcher la fête !
cdubos[a]bornhauser-avocats.fr