BLOG

La responsabilité fiscale du dirigeant d’entreprise : que faut-il plaider ?

Il existe en droit français un texte peu connu des chefs d’entreprise qui permet à l’Administration fiscale de faire condamner selon une procédure d’urgence un mandataire social au paiement de la totalité des impôts et pénalités dues par sa société. Cette disposition, l’article L 267 du LPF, est implacable. Elle institue une solidarité automatique et irréductible entre le dirigeant et l’entreprise. Celui qui a, dans le cadre de son mandat, commis des infractions répétées aux obligations fiscales portant sur des impôts et taxes dont le recouvrement est « impossible », ne peut échapper à une condamnation que s’il démontre, soit que les causes de l’impossibilité de recouvrement sont multiples, soit que ses infractions ne sont pas « graves ».
 
La Cour de Cassation interdit aux Juges de tenir compte de ces possibles atténuations du principe de responsabilité que pourtant le texte légal laisse entrevoir. Une infraction est répétée dès qu’on la commet deux fois ; toute infraction répétée est « grave ». Une difficulté économique ne justifie jamais une impossibilité de recouvrement. C’est la tolérance zéro et la peine maximale irréductible : les Juges doivent condamner au paiement de la totalité du passif fiscal, quelle que soit la part de détention du capital du dirigeant poursuivi. Le Juge dont la main tremble voit sa décision cassée.
 
Quelques exemples parmi tant d’autres :
 
Une gérante d’une agence immobilière déclare mais ne paye pas sa TVA pendant trois mois (36.000 €). Elle commet une erreur en déduisant de la TVA non déductible. La Cour d’Appel de Versailles juge que ce n’est pas grave. L’arrêt est cassé. Cette personne qui ne détient que la moitié du capital social de la société est condamnée à payer la totalité du passif fiscal (CA Versailles, 13septembre 2002 ; Cass. Com., 5 octobre 2004 n° 02-20760).
 
Une entreprise de transports internationaux qui travaille avec des sous-traitants est soumise à des régimes différents de TVA lors de transports à l’étranger. L’entreprise s’est trompée de 2 % dans son reversement. Est-ce grave ? A la Cour de Poitiers, on juge que non. L’arrêt est cassé :« Attendu qu’en se déterminant par un tel motif, impropre à faire perdre son caractère de gravité au non reversement de la TVA normalement collectée au profit du Trésor public, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision. »(Cass. Com., 28 septembre 2004, n° 02-18394).
 
Une entreprise bordelaise a un seul client France Telecom qui oublie pendant quelques mois de payer ses factures. Bientôt l’entreprise n’a plus de trésorerie pour payer la TVA. France Telecom sera condamné quelques années plus tard pour avoir provoqué le dépôt de bilan. Peu importe, entre temps le dirigeant de l’entreprise en faillite est condamné à titre personnel au paiement de la TVA puisqu’il a utilisé cette trésorerie pour payer ses salariés (Cass. Com., 19 janvier 2016, n° 14-21432).
 
On évitera de plaider l’atténuation de responsabilité, la bonne foi, la coopération avec les services fiscaux, les efforts de paiement : ces arguments sont« impropres ».Inutile d’arguer de l’existence de poursuites concurrentes en comblement de passif ou pour fraude fiscale. Précisons qu’il est parfaitement vain de plaider que le dirigeant n’a pas commis de faute de gestion et que le Juge l’a reconnu. N’allez pas imaginer que le juge chargé d’appliquer l’article L 267 du LPF devrait à ce titre vérifier ce qu’a été l’enchainement des causes ayant provoqué l’insolvabilité de l’entreprise et tienne compte, au moins parmi d’autres éléments, du diagnostic porté par les juges consulaires. Vous vous égareriez (Cass. Com., 6 octobre 2015, n° 14-20352).
Ne demandez pas au Tribunal d’être indulgent, de tenir compte de circonstances particulières, il ne le peut pas. S’il est condamné, le client devra toujours payer l’intégralité de l’impôt de l’entreprise, y compris les intérêts et majorations.
 
Mais alors que faire pour que le client échappe à un tel sort ?
 
Nous avons cherché le bon moyen, parce qu’en tant qu’avocats fiscalistes, nous sommes révoltés par cette machine à condamner. Elle frappe indistinctement, alors que certains de ces commerçants ne sont visiblement pas des grands fraudeurs mais des personnes qui à un moment donné ont été dépassées par la situation. Ce moyen, nous l’avons trouvé. A notre connaissance, il n’a jamais été soutenu. Nous le tenons à la disposition de ceux de nos confrères qui souhaiteraient nous associer à la défense a prioriimpossible d’un dirigeant d’entreprises dans le malheur.