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Les Commentaires Administratifs sur l’IFI sont enfin parus.

 Parus tardivement, le BOFiP sur l’Impôt sur la Fortune Immobilière contiennent des précisions intéressantes, en particulier sur les clauses anti-abus et les mesures de sauvegarde.

 
Ils étaient attendus pour le 8 juin au plus tard et ils ne sont arrivés qu’en fin d’après-midi. Leur lecture ne vous apprendra pas grand chose si vous avez déjà lu le livre qu’a consacré Jean-Yves Mercier à l’Impôt sur la Fortune Immobilière. Nous avons toutefois noté quelques développements intéressants.

 
S’agissant de la non-déductibilité partielle de la dette contractée pour l’acquisition de la résidence principale, l’interprétation du BOFiP diffère de ce que nous avions cru comprendre de la notice d’aide à la déclaration (https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2018/05/04/deduction-du-passif-lie-a-lacquisition-de-la-residence-principale-ladministration-modifie-sa-doctrine/). En effet, l’administration ne conteste pas la possibilité de déduire la totalité du crédit nonobstant le fait que la résidence principale bénéficie d’un abattement de 30 %. Elle refuse simplement que lorsque la dette excède la valeur du bien après application de l’abattement, le différentiel de passif puisse venir s’imputer sur les autres biens du contribuable. Expliqué ainsi, la position administrative a le mérite d’une certaine cohérence, à défaut d’être fondée juridiquement.

 
S’agissant des mesures anti-abus interdisant la déduction de certaines dettes qui sont assorties de mesure de sauvegarde, le BOFiP contient des informations intéressantes. Rappelons que sont concernées les dettes contractées par le redevable auprès d’une personne du cercle familial proche mais hors de son foyer fiscal ou d’une société qu’il contrôle ou que ces personnes contrôlent et, hypothèse inverse, les dettes contractées par une société qu’il contrôle auprès de lui-même ou de son cercle familial, les dettes excédant 60 % de son patrimoine lorsque celui-ci dépasse 5 M€ (clause dite « VIP ») et les dettes contractées à l’occasion d’opérations de refinancement (cession « à soi-même »).

 
Sur la clause VIP et les opérations de refinancement, on sait que la mesure de sauvegarde permet de déduire les dettes qui n’ont pas été contractées dans un but « principalement fiscal ». Développant cette notion bien inquiétante par sa subjectivité, l’administration indique que le fait que la dette ait été contractée avant l’entrée en vigueur de l’IFI, donc avant le 1er janvier 2018, ou bien antérieurement à l’entrée du contribuable dans le champ de l’impôt (à une époque donc où son patrimoine immobilier était inférieur à 1,3 M€) constituait une justification valable (BOI-PAT-IFI-20-30-30, § 240)

 
Cette précision est bienvenue même si elle se déduisait naturellement de la mesure de sauvegarde elle-même : comment en effet de telles opérations auraient-elles pu avoir un but d’optimisation fiscal dès lors que sous l’empire de l’ISF, la totalité du patrimoine du redevable était imposable, y compris donc le prix de vente de l’immeuble refinancé ou le patrimoine mobilier non engagé grâce au recours à l’emprunt ? Certes, elles pouvaient avoir comme objet principal d’optimiser la fiscalité globale du contribuable en diminuant sa charge fiscale provenant d’autres impôts (impôt sur le revenu, droits de succession), mais comme précisément l’économie portait sur d’autres taxes, elle ne peut servir de fondement à un abus en matière d’IFI.

 
Pour les dettes contractées auprès du cercle familial hors foyer fiscal ou d’une société contrôlée par ce cercle, on sait que la dette reste déductible lorsqu’elle a été conclue à des « conditions normales ». L’administration se réfère comme critère de la normalité du prêt à la pratique bancaire (§ 270). Bien qu’elle ne mentionne que la nécessité de prévoir un échéancier de remboursement (et de le respecter) qui soit fixé par un acte daté et signé, la référence à la pratique bancaire nous semble ajouter la condition – non prévue par le texte – de stipuler un intérêt.

 
L’administration n’aborde pas directement la question brûlante des comptes courants dans les sociétés familiales du type SCI soumise à l’impôt sur le revenu. Toutefois, les clauses anti-abus ne laissent que peu de place à leur éventuelle déductibilité, qui ne nous semble concerner que les apports d’associés assortis depuis l’origine d’un échéancier de remboursement d’une durée normale et comprenant la stipulation d’un intérêt. Bref, une situation qui se rencontrera probablement à l’avenir, mais de manière tout à fait exceptionnelle pour le passé puisqu’elle heurte de front notre conception du compte courant d’associés.

 
La question de la possibilité de transformer un compte courant classique en créance répondant aux conditions de déductibilité n’est bien évidemment pas abordée mais nous sommes pour notre part assez réservés sur ce point : en effet, soit la dette est déductible depuis l’origine, soit elle ne l’est pas. Modifier après le 1er janvier 2018 les conditions de l’emprunt pour lui donner un caractère normal ne devrait selon nous pas permettre d’activer la mesure de sauvegarde. Nous ne doutons toutefois pas que la question soit un jour posée au juge de l’impôt…