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Régularisation d’un compte étranger non déclaré : Etre ou ne pas être un repenti fiscal
Selon les informations fournies par l’administration fiscale, 35.000 lettres d’intention de régulariser ont déjà été déposées au STDR par des repentis fiscaux ayant choisi d’être traités sous la protection de la circulaire Cazeneuve. Et indiscutablement le flux des nouvelles levées d’anonymat commence à se tarir. Comme se tarit également l’intérêt des journalistes pour cette question. Le moment paraît donc venu, loin des clichés propagés par les médias, de faire à l’attention des derniers retardataires qui hésitent encore à régulariser leur situation, un état des lieux objectif et exhaustif de la question.
Pour cela, nous commencerons par examiner le déploiement des outils de dépistage des comptes (I.) et poursuivrons par l’examen des sanctions encourues (II.).
I. La traque des comptes non déclarés
A. Où en est-on du secret bancaire ?
Depuis la fin des années 90, le vrai compte anonyme n’existe plus : même s’il est détenu par l’intermédiaire d’une structure interposée, la banque doit connaître son client, autrement dit le « bénéficiaire économique » du compte.
En Suisse, le secret bancaire a disparu vis-à-vis de la France depuis le 1er janvier 2010. Mais il s’exerce actuellement seulement sur demande expresse de l’administration à l’encontre soit d’un contribuable identifié, soit d’un numéro de compte identifié.
Toutefois, suite au G20 de mars 2009, les États membres de l’OCDE ont adopté un nouveau standard d’entraide administrative : la demande groupée d’information, laquelle est en train d’être déployée au niveau mondial.
La partie redoutable de ce dispositif est que ce nouveau standard cible les contribuables visés non pas en fonction de leurs noms ou leur numéro de compte, mais en fonction de critères objectifs extérieurs. Par exemple, un État pourra demander à un autre État le nom des titulaires de comptes qui ont clôturé leur compte dans des circonstances anormales. Nous n’en dirons pas plus sur ce point.
Mais le déploiement effectif des demandes groupées sera à peine effectué qu’il sera déjà démodé par le nouveau standard, encore plus redoutable, adopté cet automne par plus de 80 pays : l’échange automatique d’information. Issu du traité FATCA imposé par les USA au reste du monde (et qui est déjà entré en vigueur avec la France), il vise à transmettre automatiquement, sans aucune demande de l’Etat de résidence du fraudeur présumé ni de filtre de l’Etat de situation du compte, les informations relatives à l’existence d’un compte détenu, directement ou non, par une personne déterminée.
Il ne restera donc plus qu’à l’Etat de résidence du titulaire du compte de traiter les « Big Datas » reçues en les comparant à ses propres données pour identifier les fraudeurs et demander à l’Etat de situation du compte les informations nécessaires au redressement fiscal des contrevenants. Ce qui techniquement, pour ceux qui en douteraient, ne posera pas de problème au plan pratique.
Or, ces échanges automatiques d’information entreront probablement en vigueur en 2018.
B. Quelle est l’attitude des banques ?
Les banques suisses veulent collaborer avec la France car elles ne veulent pas prendre le risque de perdre leur licence d’exercer dans notre pays. Comment pourraient-elles la perdre ? Tout simplement parce que, notamment, le simple fait de fournir à un fraudeur le moyen de se servir de son argent entre, dans la définition du blanchiment de fraude fiscale.
Certes, cette incrimination n’existe pas en Suisse pour l’utilisation d’un compte non déclaré, car pour l’instant le secret bancaire subsiste pour les résidents helvétiques, mais elle existe en France. Et là encore les américains nous ont montré la voie : en mettant en cause pénalement les salariés d’UBS travaillant aux USA, ils ont obtenu des mandats d’arrêt internationaux qui empêchent en pratique les intéressés de quitter la Suisse, ce qui, vu la taille du pays, est assez contraignant…
Les banquiers suisses ne veulent pas que cela se renouvelle car le nombre de personnes susceptibles d’être concernées est ici beaucoup plus important vu le poids du secteur bancaire helvétique et ses relations avec la France.
Résultat concret : elles obligent leurs clients à se régulariser et ceux qui ne le font pas sont priés de clôturer leur(s) compte(s) sans pouvoir retirer leurs fonds en espèces, sauf pour des montants limités. Toutefois, certains contribuables semblent avoir résisté à la pression en profitant de l’accueil de petites banques suisses qui n’auraient pas joué le jeu (comme elles en ont, du reste, toujours officiellement le droit en Suisse).
Notons qu’à cela s’ajoute désormais, du fait de la numérisation des données, des risques de dysfonctionnement inhérents au système, comme la propagation d’informations accidentelle ou organisée (Cf. l’actualité sur les vols ou les détournements de fichiers clientèle).
II. Les risques encourus
A. Risques fiscaux
On connaît le tarif d’une régularisation : entre 15 % et 25 % en moyenne selon que le contribuable est passif ou actif, plus s’il y a eu une donation ou une succession non prescrite (après 2006) ou si les fonds perçus proviennent d’une activité économique non prescrite.
Or, à quelle sauce vont être mangés ceux qui se feront rattraper par la patrouille ? Sachant que la patrouille va sérieusement s’intéresser à eux dès que le STDR fermera ses portes, ce qui devrait logiquement coïncider avec l’entrée en puissance des échanges automatiques d’information (2018/2019) mais qui pourrait aussi intervenir bien plus tôt, le flux des demandes se tarissant déjà.
Car il ne faut se faire aucune illusion : par exemple, dans le cadre notamment des avoirs hérités, les nombreux justificatifs que demande le STDR aux impétrants n’ont d’autres buts que de détecter les membres d’une même famille – et cela peut concerner même des cousins éloignés – qui n’auront pas encore régularisé leur situation. Ces informations existent et seront exploitées par l’administration, c’est une certitude, tout n’est qu’une question de temps.
Les fraudeurs les moins sophistiqués (ceux titulaires d’un compte en direct) paieront le moins cher :
- Impôt sur le revenu depuis 2006 avec prescription de 10 ans,
- ISF et Droits de Mutation à Titre Gratuit depuis 2007 avec prescription de 10 ans,
- amende de 5 % du montant du compte avec un minimum de 10.000 € par an pendant 4 ans (voire 5 ans pour ceux qui se seront fait piéger après le dépôt de la déclaration de revenus de l’année précédente),
- intérêts de retard de 4,8 %/an,
- 40 % de pénalités sur le redressement d’impôt sur le revenu et d’ISF.
Ceux qui auront interposé une société offshore se verront appliquer l’article 123 bis, donc un mode de détermination des revenus du compte forfaitaire en fonction d’un taux de rendement appliqué au solde du compte avec une majoration de 25 % de l’assiette taxable.
Ceux qui auront interposé un trust ou une fiducie auront des amendes majorées à 12,5 % avec un minimum de 20.000 €/an pendant 4 ans (voire 5 ans).
Ceux qui auront mis leur argent dans un État ou Territoire Non Coopératif (non lié à la France par les accords d’échange de renseignements bancaires) se verront appliqués des taux de taxation sur les revenus atteignant jusqu’à 90 %.
Ceux qui ne pourront pas justifier avec certitude de l’origine des fonds figurant sur le compte verront ceux-ci taxés à 60 %, sachant que l’administration sera très probablement très sévère sur la nature des preuves demandées. De ce que nous avons vu des régularisations que nous avons faites, il est peu probable que le banquier fournisse les justificatifs qui lui conviennent.
Avec 10 ans de prescription applicable, la somme de ces droits et amendes devrait assez systématiquement dépasser les 100 % des sommes restant sur le compte, à l’exception peut-être des contribuables les moins sophistiqués (mais en restent-ils ?).
B. Risques pénaux
1. La fraude fiscale
La sanction se passe de commentaire : Risque d’une amende de 2 M€, qui ne sera toutefois pas cumulée avec les amendes fiscales, puisqu’il y aura un plafonnement à la plus élevée des deux. Risque de 7 ans de prison, pour l’instant avec sursis pour les primo-délinquants mais jusqu’à quand ?
2. Le blanchiment de fraude fiscale
Précisons que constitue un blanchiment de fraude fiscale le fait de réinjecter le produit d’une fraude fiscale dans l’économie, soit directement (cas du contribuable), soit en fournissant les moyens pour le faire (cas de son banquier). En pratique, cette incrimination va moins concerner le fraudeur que son banquier, envers lequel elle va constituer une forte « désincitation » à ne pas l’avoir comme client.
Sans parler des sanctions, le résultat pratique, c’est qu’à supposer-même qu’elles parviennent à passer entre les gouttes, les personnes qui n’auront pas régularisé leur compte ne pourront pas utiliser leur argent, sauf de manière anecdotique en venant retirer au guichet les espèces que leur banquier voudra bien leur remettre.
En conclusion, on voit bien que les récalcitrants ont peu de chance de s’en sortir. Et pourtant, pour ceux qui retardent le dépôt de leur lettre d’intention, principalement lorsque le titulaire du compte est très âgé ou très malade, le calcul pourrait être risqué mais gagnant, car le décès du fraudeur fera tomber les amendes et pénalités, ce qui ramènera la note à des montants plus raisonnables, surtout s’il est considéré comme actif au sens de la circulaire. De même, jouer la montre peut faire sens s’il y a une succession taxable à la plus haute tranche du barème (60 %) qui se prescrira dès 2017.
Hormis ces hypothèses limitées, voire marginales, le seul espoir des fraudeurs attentistes pourrait être une amnistie fiscale imposée par l’UE préalablement à l’entrée en vigueur des échanges automatiques d’information. Une telle amnistie a en effet été demandée par le ministre belge des finances.
Mais cet espoir pourrait bien être déçu : imposer une telle amnistie n’entre en aucune manière dans les prérogatives des organes communautaires, puisque le droit fiscal, hormis la TVA et les accises, ne relève pas du TFUE.
Le choix auquel sont confrontés les « évadés fiscaux », comme les appellent les journalistes, est donc le suivant :
- régulariser et perdre une fraction non négligeable mais somme toute limitée de leur compte, ou
- ne pas régulariser et risquer d’en perdre la totalité, voire plus, sans pouvoir investir ou dépenser leur argent dans un État respectable.
Un choix véritablement cornélien quand on n’aime pas payer d’impôts… »