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Prélèvements sociaux sur les produits des contrats d’assurance-vie en unités de compte se dénouant par décès

Les assurés de contrats d’assurance-vie placent leur épargne soit dans des contrats en euros dont le capital est garanti, soit dans des contrats en unités de compte ne bénéficiant pas de cette protection et soumis aux aléas des marchés. Autorisée depuis décembre 1969, la pratique a été réglementée par la loi du 7 Janvier 1981 (3° alinéa de l’article L 131-1). Les contrats en unité de compte sont investis en actions ou en obligations d’entreprises alors que les fonds en euros sont investis, pour l’essentiel, en obligations d’Etat. 

Les souscripteurs peuvent, depuis une loi n° 2005-842 du 26 Juillet 2005, procéder à des arbitrages entre fonds en euros et fonds en unités de compte au sein de contrats dénommés « contrats multi-supports ». Selon l’article 1er de la loi, ces mouvements n'entraînent « pas les conséquences fiscales d'un dénouement » du contrat. Comme l’indique le libellé du titre 1er, l’objectif du législateur était alors, trois ans avant le krach boursier, d’« encourager la détention durable d’actions ».

A l’origine, les assurés investis en contrats en euros s’acquittaient annuellement des prélèvements sociaux alors que ceux investis en contrats en unités de compte, y compris par des contrats multi-supports, en étaient redevables lors du dénouement du contrat, et n’y étaient pas assujettis en cas de décès. 

Cette architecture a été modifiée par l’article 18 de la LFSS pour 2010. Aux termes de ces dispositions, codifiées à l’article L 136-7 du Code de la sécurité sociale, les contrats d’assurance-vie comprenant des unités de compte sont assujettis aux prélèvements sociaux « lors du décès de l’assuré » (paragraphe b du 3° du II).

Les prélèvements sociaux sont recouvrés à la source par l’établissement payeur sur les produits des compartiments euro des bons et contrats de capitalisation ou d’assurance-vie multi-supports selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement forfaitaire libératoire mentionné à l’article 125 A du CGI :

« V.- La contribution visée au premier alinéa du I et aux II et IV ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général des impôts. »

(1er alinéa du V de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale) 

Selon le 3ème°paragraphe de l’article 125 A du CGI, « Le prélèvement est effectué par le débiteur ou par la personne qui assure le paiement des revenus ».

 Lors du décès de l’assuré, le bénéficiaire d’un contrat en unités de compte se voit ainsi prélever sur le montant qui lui est dû des sommes correspondant à la dette sociale accumulée à titre personnel par l’assuré, sur la totalité ou une partie des produits générés par le contrat depuis son origine. Il en est de même pour la part investie en unités de comptes dans les contrats multi-supports. Au cours des débats, des parlementaires avaient relevé que ce texte constituait « une remise en cause extrêmement grave du principe fondateur de l’assurance-vie » ( AN, Amendement Vialatte, n°118). Les commentateurs de ce texte soulignent l’atteinte ainsi portée au principe de la stipulation pour autrui qui constituait en effet jusqu’alors le fondement de l’assurance vie (Leroy, «  l’article 18 ou l’atteinte à la stipulation pour autrui », in Revue numérique en droit des assurances, n° 22, septembre 2011).

Depuis 2010, le taux de cotisation est passé de 12,1 % à 17,2 %. Lors du décès, la contribution exigible peut porter sur la totalité des revenus accumulés depuis l’ouverture du contrat d’assurance. Pour de nombreux contrats anciens, bien gérés et investis en actions au cours des années fastes (2012/2017), ces revenus peuvent représenter plus de la moitié de la valeur du contrat.

Notre contestation

Cette contribution suscite de notre part deux contestations :

 

  • La contribution est payée par le bénéficiaire du contrat d’assurances alors qu’il n’en est pas le débiteur.
  • La contribution constitue une dette à la charge du défunt qui devrait être déduite, conformément à l’article 768 du CGI, pour la liquidation des droits de mutation par décès et accessoirement pour le paiement de l’ISF de l’année du décès.

Personnes concernées 

  1. Bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie assujettis à ce titre aux droits de mutation par décès :
  • soit parce que les primes excédant 30 500 € ont été versées sur la tête d’un assuré ayant plus de 70 ans (article 757 B du CGI) et que le contrat a été souscrit à compter du 20 Novembre 1991,
  • soit parce que le contrat d’assurance-vie ne comportait pas de désignation d’un bénéficiaire (article L 132-11 du Code des assurances).

(II)      Autres bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie assujettis à ce titre à la TCAS (taxe sur les conventions d’assurances et assimilées visée à l’article 990-I  du CGI) qui, étant également ayant-droits dans l’ordre successoral du défunt, ont conservé à charge la part de cotisations sociales contestées, après déduction de la cotisation sociale de l’assiette de la TCAS 

 (III)    Autres personnes assujetties aux droits de mutation par décès, ne bénéficiant pas d’un contrat d’assurance vie mais poursuivies par le bénéficiaire d’un tel contrat en remboursement de la dette de cotisations sociales du défunt payée par prélèvement sur les sommes dues au bénéficiaire

 Délais de recours 

  •  Pour les personnes mentionnées en (I) et (II) :

Un héritier peut obtenir la décharge ou la réduction de ses droits de succession, en démontrant leur caractère exagéré.

Selon le b de l’article R 196-1 du LPF, le délai de contestation expire le 31 décembre de la 2° année suivant celle du versement de l’impôt.

Peuvent donc agir les successions dont les droits ont été payés depuis 2017.

  • Pour les personnes mentionnées en (III) :

Selon le c de l’article R 196-1 du LPF, le délai de contestation expire le 31 décembre de la 2° année suivant la réalisation de l’événement qui motive la réclamation.

Par « événement «, on entend au sens de ce texte un fait de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l’imposition, soit dans son principe, soit dans son montant (CE 19 Avril 2000, n°184502), indépendant de la volonté de son auteur (CA Nîmes 21 Septembre 2004, n°03/00263). 

Selon nous, la poursuite exercée contre la succession par le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie en remboursement de la dette de cotisations sociales du défunt prélevée sur son actif constitue un tel événement. Il faut qu’elle soit exercée dans le délai de prescription de 5 ans. Sont donc concernées les personnes ayant payé ces cotisations depuis 2014.