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Perquisitions Fiscales : de simples indices suffisent, mais l’arbre ne cacherait-il pas la forêt ?

(Cass. Com. 15 février 2023, n° 132 FS-B)

On sait que l’administration fiscale, lorsqu’elle soupçonne qu’une société étrangère exerce en réalité son activité en France, recoure quasi-systématiquement à des visites domiciliaires – autrement dénommées perquisitions fiscales – pour tenter de rassembler les preuves dont elle a besoin pour asseoir l’impôt avant que celles-ci ne disparaissent. Et l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales n’exige d’elle que de prouver l’existence non de la fraude elle-même, mais de simples soupçons.

La Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer ces principes dans une affaire où le Premier Président de la Cour d’Appel de Paris, saisi par le contribuable d’une demande d’annulation de l’autorisation de visite domiciliaire délivrée par le juge des libertés, avait annulé l’ordonnance au motif que le contribuable démontrait que la société étrangère disposait d’une substance réelle dans son siège social.

La Cour régulatrice lui rappelle que le fisc n’est pas tenu d’apporter la preuve de la fraude, mais seulement l’existence d’indices de soupçons. Et force est de constater que le fait que la société étrangère n’employait qu’entre 5 et 7 personnes pour gérer la trésorerie d’une multinationale du secteur du luxe en utilisant des produits financiers complexes portant sur des milliards d’euros permettait bien de soupçonner que cette trésorerie était en réalité gérée par les équipes du siège français.

Alors, pourquoi attaquer l’ordonnance devant le Premier Président si la démarche est quasiment systématiquement vouée à l’échec, tant il est facile pour le fisc de trouver des « indices de soupçons » ? Parce que la procédure d’appel permet de communiquer à l’administration des éléments à décharge dont elle n’avait pas nécessairement connaissance lorsqu’elle a décidé d’enquêter sur la situation du contribuable mais qui peuvent, le cas échéant, la conduire à estimer qu’il n’y a pas matière à redressement.

Nous avions il y a quelques années utilisé cette stratégie pour contester une visite domiciliaire visant à recueillir des indices d’établissement stable en France d’une société tunisienne qui détachait des informaticiens tunisiens auprès d’une SSII française. Devant le Premier Président, nous avions démontré non seulement l’existence d’une substance en Tunisie (locaux, personnel, etc.), mais également le caractère bâclé de l’enquête sur place. L’enquêteur avait notamment tenté de contacter la société sur un numéro de téléphone qui n’était pas le sien et comme évidemment, personne n’avait répondu, il en avait tiré argument que le siège était fictif. Notre recours avait été rejeté, mais l’administration n’a jamais lancé de contrôle fiscal.

Pour l’administration, une victoire à la Pyrrhus. Et pour nous, ad augustam per angusta !