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Réduction de Capital non Motivée par des Pertes : le Tribunal Administratif de Montpellier prend le Comité de l’Abus de Droit Fiscal à Rebrousse-Poil.

(TA Montpellier, 12 février 2024, n° 2201983)

On sait que l’administration fiscale n’aime pas les réductions de capital non motivées par des pertes qui permettent à l’associé cédant d’être imposable sur les sommes perçues selon le régime des plus-values, donc avec un prix de revient et, le cas échéant, un abattement de 85 % sur l’assiette de l’impôt sur le revenu, au lieu du régime des dividendes, donc de la flat tax de 30 % sur 100 % du dividende.

On sait aussi que le Comité de l’Abus de droit Fiscal a développé une doctrine visant à considérer qu’en règle générale, les réductions de capital qui avaient pour effet de modifier la répartition du capital n’étaient en principe pas abusives, alors que celles concernant les sociétés unipersonnelles pouvaient l’être si elles avaient été précédées d’une augmentation de capital d’égal montant, de sorte qu’après les opérations d’augmentation/réduction, le contribuable se trouvait dans la même situation qu’avant (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2021/10/reduction-de-capital-et-abus-de-droit-le-fisc-est-mauvais-perdant/).

Saisi du cas d’un contribuable qui possédait l’intégralité du capital de la société, le Comité avait donné le 14 janvier 2021 un avis défavorable à l’administration en considérant que le contribuable n’avait fait qu’usage de son droit à choisir la voie la moins imposée en privilégiant, pour une opération exceptionnelle qu’il n’a pas renouvelée, la réduction de capital à la distribution d’un dividende (avis n° 2020-29). L’administration ayant refusé de suivre l’avis du Comité, l’affaire a été soumis au tribunal administration de Montpellier qui vient de rendre une décision pour le moins décevante tant il est rare que la jurisprudence déjuge le Comité lorsque celui-ci a blanchi le contribuable (contrairement à l’hypothèse inverse, bien plus fréquente).

Le tribunal écarte l’argument tiré de l’absence de récurrence, qu’il considère comme inopérant. Partant, c’est fort logiquement qu’il considère que l’opération de réduction de capital revêtait un but exclusivement fiscal puisqu’elle avait permis à l’associé unique de récupérer des sommes qu’il aurait parfaitement pu se distribuer. Il est vrai que la société avait depuis l’origine capitalisé ses bénéfices sans jamais verser à l’associé unique un quelconque dividende, mais cette situation pouvait s’expliquer par la nature de l’activité exercée – marchand de biens – qui nécessite une surface financière importante pour financer le stock.

Or, ce qui semble avoir « emporté le morceau » en l’espèce est que cette réduction de capital ne s’inscrivait pas dans la perspective d’un arrêt ou un changement d’activité de la société qui aurait pu justifier la possibilité de réduire ses fonds propres. Cette décision ne nous paraît pas remettre le cause les réductions de capital qui suivent soit un arrêt d’activité, soit la cession d’une branche d’activité sans perspective de réinvestissement, ce qui était l’hypothèse d’un autre avis rendu le même jour par le Comité (affaires identiques n° 2020-23 et 2020-24). En effet, on trouve dans la décision l’inventaire des arguments que l’administration elle-même considère comme opérants pour justifier une réduction de capital non motivée par des pertes : retrait d’un associé, amélioration de la structure de financement, réduction des risques de la société vis-à-vis de ses créanciers et fidélisation des associés.

Cela dit, les considérations retenues par l’administration et validées par le tribunal pour justifier l’existence d’un abus, à savoir que l’opération de rachat de titres ne présentait aucun intérêt pour la société, ne sauraient convaincre. En effet, lorsque une société passe un acte qui s’avère contraire à son intérêt, c’est la théorie de l’acte anormal de gestion – et pas de l’abus de droit – qui permet à l’administration de la redresser. Or, rien dans la réduction de capital ne permet à l’administration de remettre en cause l’assiette de l’impôt de la société, sauf peut-être si le financement de l’opération nécessite la souscription d’un emprunt bancaire et donc engendre des frais financiers déductibles de son bénéfice imposable. On remarquera d’ailleurs que la distribution massive de ses réserves sous la forme d’un dividende ne présenterait pas plus d’intérêt pour la société que la réduction de son capital.

En réalité, en allant chercher l’absence d’intérêt pour la société afin de justifier le but exclusivement fiscal recherché par l’associé, l’administration comme le tribunal se trompent de débat : ce n’est pas sur ce plan qu’il faut se placer, mais sur celui de l’associé pour se demander en quoi l’opération aurait pour lui un but exclusivement fiscal allant à l’encontre des objectifs du législateur.

Dès lors, loin d’être inopérant, l’argument tiré du caractère exceptionnel de l’opération retrouve toute sa force dès lors qu’une réduction de capital non motivée par des pertes ne peut se substituer à des distributions de dividendes, lesquelles se caractérisent par leur régularité et ne concernent par principe que le bénéfice ordinaire produit chaque année mais non les réserves.

On espère que la Cour Administrative d’Appel qui ne manquera pas d’être saisie de cette affaire rétablira le bon droit du contribuable à rechercher, comme c’est son droit constitutionnellement garanti (en ce sens, Cons. Const., 29 décembre 2013 , n° 2013-685 DC), la voie la moins taxée lorsque elle existe et que le but de l’opération est légitime. A défaut, c’est l’arbitraire qui prévaudra.