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Refus de transmission de notre QPC contre les prélèvements sociaux sur les contrats d’assurance-vie en unités de compte se dénouant par décès
CAA Paris 8 septembre 2023, Ord. n ° 23PA00962)
On se souvient que nous ferraillons depuis un moment contre l’application des prélèvements sociaux aux produits capitalisés dans les contrats d’assurance-vie en unités de compte se dénouant par décès (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2023/03/prelevements-sociaux-sur-les-contrats-dassurance-vie-en-unites-de-compte-se-denouant-par-deces-le-fisc-remporte-la-premiere-manche/).
Après un échec devant le tribunal administratif de Montreuil, nous avons porté le litige devant la Cour Administrative d’Appel de Paris, en assortissant notre recours d’un mémoire distinct invoquant la violation de l’article 34 de la Constitution et des articles 13, 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. C’est notre demande de QPC que la Cour vient de rejeter.
La Cour commence par écarter notre grief selon lequel en ne désignant pas le redevable de ces prélèvements sociaux, le législateur aurait violé l’article 34 de la Constitution par « incompétence négative » en relevant que cette lacune ne constitue qu’un pêché véniel puisque tout le monde s’accorde pour dire que c’est le souscripteur qui en est bien le redevable.
D’ailleurs, de quoi se plaint le contribuable, puisqu’il a encaissé la même somme que si le contrat n’avait pas été en unités de compte mais en euro et avait supporté les prélèvements sociaux « au fil de l’eau » ? Pour la Cour une rédaction imprécise peut se justifier dès lors que la règle nouvelle permet de mettre fin au traitement différencié – donc forcément inéquitable – qui distinguait antérieurement les deux types de contrat. Nous avions pourtant bien exposé que c’était l’existence d’une différence fondamentale au niveau des risques supportés par le souscripteur – placement sans risque sur les fonds en euro, contrairement aux fonds en unités de compte – qui justifiait cette différence de traitement.
Le grief d’incompétence négative étant très rarement reconnu dans le cadre d’une QPC, notre déception sur ce point est donc mesurée, même si nous ne cachons pas notre étonnement de lire dans la décision que « le contrat d’assurance-vie (…) se caractérise, jusqu’à son dénouement par décès, par la coexistence des droits du souscripteur et de ceux du bénéficiaire dans le cadre de la stipulation pour autrui ». Mais passons…
Tout aussi mesurée est notre déception sur le grief relatif à l’article 13 de la DDHC de 1789, puisque le taux de ces prélèvements sociaux n’est effectivement pas confiscatoire, même si notre argument ne visait pas le taux proprement dit, mais l’identité du redevable final. Il est vrai que sur ce point, ce sont plutôt les articles 2 et 17 relatifs au droit de propriété qui soutenaient le raisonnement et nous attendions de pied ferme la Cour sur ce point que nous invoquions pour la première fois.
Las… La Cour nous oppose que le bénéficiaire, en acceptant le bénéfice du contrat, a nécessairement accepté de voir les produits capitalisés amputés des prélèvements sociaux.
Il est exact que depuis un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 8 décembre 1987 (85-11.769, abondamment commenté), la jurisprudence reconnait la validité d’une stipulation pour autrui assortie d’une charge. Toutefois, la charge en question était stipulée dans la clause bénéficiaire elle-même, sachant que la stipulation pour autrui ne procédait pas d’un contrat d’assurance-vie mais d’une vente par la SAFER de terres agricoles sous condition pour l’acquéreur de les transmettre à titre gratuit à un tiers, son fils. Par définition, rien de tel n’était stipulé dans la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie objet du présent litige.
Entendons-nous bien : le principe de l’application des prélèvements sociaux n’est pas contestable en soi. Le droit français regorge en effet de retenues à la source qui facilitent le recouvrement de l’impôt dans des situations multipartites complexes. Là où le bât blesse, c’est lorsque les règles sont obscures et ne permettent pas aux contribuables de s’organiser pour s’y adapter. Si l’article L 136-7 avait clairement énoncé que ces prélèvements étaient à la charge du souscripteur, ce dernier aurait pu en toute connaissance de cause décider de les mettre à la charge du bénéficiaire, comme le lui permet la jurisprudence suscitée, en modifiant pour cela la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, ou d’en maintenir au contraire la charge chez ses héritiers, en ne modifiant pas la clause.
En amputant les produits du contrat d’un prélèvement dont le redevable s’avère finalement être le souscripteur décédé, l’article L 136-7 du code de la sécurité sociale, par son silence quant à la désignation du redevable, a abouti à la spoliation du bénéficiaire à due concurrence.
Le litige étant toujours pendant devant la Cour de Paris sur nos autres arguments conventionnels, en particulier l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, nous espérons enfin pouvoir nous faire entendre.