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Régime matrimonial et plus-value en report : le Conseil d’Etat fait du droit civil

(CE 27 mars 2023, n° 456550)

On se souvient que nous avions commenté une décision de la Cour Administrative d’Appel de Nantes relative à l’impact d’une changement de régime patrimonial sur une plus-value en report (https://blog.bornhauser-avocats.fr/2021/10/plus-value-en-report-et-transmission-a-titre-gratuit-une-inquietante-position-dun-rapporteur-public-devant-la-caa-nantes/). Nous trouvions la solution classique mais nous étions à l’époque surtout émus des conclusions du Rapporteur Public, fort heureusement non suivies par la Cour.

Le Conseil d’Etat vient à son tour de se prononcer sur cette affaire en annulant le raisonnement suivi par la Cour, tout en validant néanmoins la solution retenue.

En l’espèce, un contribuable avait demandé le report d’imposition de sa plus-value réalisé à l’occasion d’un échange de titres intervenu avant 2000 sur le fondement de l’article 92 B-II du CGI. Il avait ensuite modifié son régime matrimonial pour adopter celui de la communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant, puis était décédé. Quelques années plus tard, sa veuve vendait les titres grevés de la plus-values en report, déclarait la plus-value dont le report était expiré puis, se ravisant, en demandait le dégrèvement.

La Cour de Nantes refusait de lui donner satisfaction au motif que la plus-value en report réalisée par son mari lui avait été transmise à son décès et que la vente des titres avait mis un terme au report. Le Conseil d’Etat censure sèchement son raisonnement en relevant que sauf disposition légales expresses, les plus-values en report ne se transmettent pas lors de la mutation à titre gratuit des titres en faisant l’objet.

Toutefois, statuant sans renvoi, il considère que conformément aux articles 1525, 1526 et 1527 du Code Civil, l’effet de la clause d’attribution intégrale prévue par le régime matrimonial avait pour conséquence que la veuve n’avait pas récupéré les titres de son mari à titre gratuit, mais au titre d’un avantage matrimonial.

La plus-value en report n’avait donc pas été purgée par le décès, mais avait été transmise, avec les titres auxquels elle était attachée, au conjoint survivant. La cession de ces derniers avait donc bien rendu cette plus-value en report imposable.

Cette décision mérite d’être approuvée à un double titre. Non seulement elle donne son plein effet aux arrangements matrimoniaux, le régime de la communauté universelle organisant la transmission du patrimoine commun des époux au conjoint survivant sans qu’il y ait mutation à titre gratuit (et donc obligation de régler une succession), mais elle fait définitivement litière des réflexions du Rapporteur Public devant la Cour que nous dénoncions dans notre précédente chronique. On a maintenant confirmation que sauf le cas très particulier de l’article 150-0B ter du CGI et pour une durée toujours limitée à 18 mois ou 5 ans, une mutation à titre gratuit purge bien les plus-values en report attachées aux titres transmis.

Voilà, c’est dit !