ENJEUX ACTUELS
Le Quasi-Usufruit
En droit français, la propriété est constituée de plusieurs attributs et elle peut être divisée entre eux. Les principaux sont l’usus, abusus et le fructus. L’usus est le droit de jouir du bien, le fructus le droit d’en recueillir les fruits et l’abusus le droit d’en récupérer la plus-value lors de la vente. Tout le monde connaît l’usufruit qui, comme son nom l’indique, réunit le droit d’user du bien et celui d’en recueillir les fruits. Pour un immeuble, les prérogatives de l’usufruitier sont simples à concevoir : il a le droit d’habiter dedans et, d’il décide de le louer, d’en percevoir les loyers.
Mais il est une catégorie de biens dont il n’est pas possible de jouir sans les consommer. En effet, comment exercer son usufruit sur une bouteille de vin sans la boire ? Pour cette catégorie de biens dits consomptibles, le Code Civil a créé le quasi-usufruit : le quasi-usufruitier a le droit de consommer le bien, à charge pour lui d’en restituer l’équivalent au nu-propriétaire au terme de l’usufruit. Et si l’argent est effectivement un bien consomptible, qui peut donc faire l’objet d’un quasi-usufruit, la jurisprudence reconnaît de longue date la possibilité de créer un quasi-usufruit sur des biens non consomptibles par la volonté de l’homme, dans certaines limites toutefois : bien que la question n’ait pas été jugée et que d’autres droits (par exemple, le droit suisse) admettent qu’il soit possible de le faire, nous considérons qu’il n’est pas possible de créer un quasi-usufruit sur un immeuble.
La transformation d’un usufruit classique en quasi-usufruit est une opération juridique qui n’est pas translative de droits, donc qui n’est pas taxée fiscalement. En effet, un quasi-usufruit n’est jamais qu’un usufruit particulier, où les prérogatives de l’usufruitier sont certes plus étendues, mais fondamentalement les mêmes que dans un usufruit classique.
L’utilisation du quasi-usufruit ouvre donc la possibilité de transmissions patrimoniales sans réelle dépossession du donateur, qui conserve grâce au quasi-usufruit la complète maîtrise des actifs transmis. Bien entendu, un certain nombre de précautions sont à prendre, la première étant la conclusion entre le quasi-usufruitier et le nu-propriétaire d’une convention de quasi-usufruit visant à régir leurs relations et à permettre le liquider le moment venu la créance de restitution du nu-propriétaire.
Notre cabinet pratique le quasi-usufruit depuis plus de 20 ans, que ce soit dans le cadre d’une donation-cession, d’une transmission ordinaire de biens ou d’une assurance-vie. Nous avons par exemple obtenu du comité consultatif pour la répression des abus de droit qu’il considère qu’une donation-cession de titres avec réserve de quasi-usufruit n’était pas abusive(avis 2006-18 : BOI 13 L-6-07), ce qui fut confirmé dans la même affaire par le Conseil d’Etat (10 février 2017, n°387960).